Nous sommes les débris de siècles inutiles
Fin de race élégante, curieuse et débile
Qui traîne son ennui comme on traîne son chien
Ou plutôt, c'est l'ennui qui tient la laisse en main
Nous aimons les soies rares pour nos lavallières
Qu'en accord parfait viendra piquer une pierre
Et les gilets de pourpre en satin compliqué
Où ranger son monocle et sa mmontre à gousset
Et nos esprits sont détraqués et voués au délire
Par la collection des excès qui les feront périr
Dans nos grands salons désuets tendus de cachemire
Où de macabres voluptés raniment nos désirs
Nous paraissons surgis des temps d'Héliogabale
De Rome agonisant en beauté orientale
Ou des Valois tarés, et ce sont bien nos doubles
Ces monstres chatoyants de chaque époque trouble
Nous sommes l'éternel râle des fins de règne
Le hoquet du soleil dans les couchants qui saignent
Les monstrueuses fleurs en bouquets de névroses
D'un funèbre jardin, raffiné et morose
Nous sommes les oiseaux d'une nuit un peu mauve
Dont la voûte céleste est celle des alcôves
Où nos âmes vannées et nos cerveaux en loques
Finissent de s'user en orgies équivoques
Car rien ne pouvant plus émouvoir nos vieux nerfs
Il nous faut des débauches qui fleurent l'enfer
Des plaisirs compliqués et des vices subtils
Sous les sombres tentures de nos lits stériles